Alors que les mots : écoute, attention, harmonie, respect et qualité, restent au cœur de tous les discours sur le management bienveillant, un objet, un seul, peut venir trahir un comportement contraire : notre téléphone. La réalité, c’est que nous avons de moins en moins la capacité d’accorder aux autres une écoute active, car notre attention est davantage portée à la surveillance des notifications sur nos téléphones, que sur les propos d’un interlocuteur, ses paroles, ses silences, le son de sa voix, son regard… Notre dépendance au portable, et à tout ce qu’il représente, du lien familial permanent à la pression professionnelle de l’immédiateté ou tout devient urgent, notre téléphone est devenu plus important que tout.
Vous ne vous posez certainement pas la question, et vous n’avez aucune intention d’être déplaisant, désobligeant. Pourtant en gardant votre téléphone à portée de regard et de main, en toutes circonstances, le message renvoyé à votre entourage professionnel (comme personnel) n’est-il pas finalement : « mon téléphone est plus important que vous » ?
En nous montrant de moins en moins capables d’interrompre, même quelques minutes, nos interconnexions en ligne avec l’ensemble de nos réseaux et communautés, nous devenons de plus en plus incapables d’interagir correctement, normalement… avec des personnes en face-à-face. Notre cerveau devient même plus captif, réactif, aux notifications plutôt qu’à une présence humaine, in real life pourrais-je dire !
Commencer par montrer l’exemple
Combien de temps perdu à faire répéter son interlocuteur, car on ne suit pas réellement une réunion ou une conversation, l’esprit davantage mobilisé par son téléphone ? Mais dès qu’un mot nous interpelle, nous faisons répéter une phrase pensant pouvoir être concerné par le sujet.
Combien d’erreurs, de mal entendus au travail, du fait d’une mauvaise écoute, d’une oreille bien peu attentive, les yeux et donc le cerveau concentrés sur la lecture de messages ou le défilé de publications sur un écran ?
Évidemment, quand on est à la tête d’une équipe, à animer, piloter, motiver… il ne suffit pas de déplorer cet état de fait, le faire remarquer ou le condamner. Il faut commencer par montrer l’exemple.
Dans certaines organisations, il est demandé de couper les téléphones pendant des réunions, voire de les ranger, ou même de les laisser dans un espace dédié, avant d’entrer en réunion. Mais pour certaines personnes, il suffira de sortir immédiatement une tablette au motif de prendre des notes ou de disposer d’une présentation, pour se reconnecter aussi vite à ses mails et réseaux sociaux… Là aussi le dirigeant doit montrer l’exemple et ne pas déroger lui-même à la règle qui s’impose à toutes et tous.
Comprendre avant d’imaginer se corriger, se soigner
En posant près de soi son téléphone, ou plutôt en l’imposant entre soi et son interlocuteur, au moment d’une supposée interaction personnelle, qu’il s’agisse d’un entretien de recrutement, d’un rendez-vous client, d’une réunion avec son équipe (ou en famille à table), le message renvoyé est toujours le même : mon téléphone est plus important que vous. Parce que, inconsciemment, l’interlocuteur avec lequel vous échangez sait qu’à tout moment, il pourra être interrompu si le téléphone sonne ou si un message apparaît. La personne face à vous sait que votre attention est accordée prioritairement au téléphone et finalement à toutes celles et ceux qui passeront par le téléphone pour communiquer avec vous. Même une notification sur un réseau social, les news d’un média en ligne, ou la salade que mange une star de cinéma que vous suivez, sera plus importante que l’échange et la véritable interaction sociale que vous tentez d’avoir avec une personne à vos côtés.
Il faut donc bien le réaliser, le comprendre avant d’imaginer pouvoir le corriger, voire le soigner. Ensuite vous avez le choix de faire des pauses, de couper les notifications, ce qui est d’ailleurs très efficace pour réduire la charge mentale, même quand on est seul. En outre, combien de notifications, même professionnelles, durant une journée, sont vraiment essentielles au point de devoir en prendre connaissance instantanément ?
Il est donc bien possible de se séparer de son téléphone, par exemple le temps de se consacrer pleinement à un échange… ou alors il faut assumer son addiction et ses effets socialement dévastateurs, assumer ses contradictions avec un discours de bienveillance mensonger, et accepter de renvoyer à la face des autres : mon téléphone est plus important que vous !
À propos de l’auteur Frédéric Fougerat
Frédéric Fougerat est le président de Tenkan Paris, agence de communication de crise, image et réputation de personnalités sensibles, et le cofondateur et associé de Cogiteurs, une agence conseil en communication, collectif de dircoms au service des dircoms. Il est l’auteur des livres « Un manager au coeur de l’entreprise » , aux éditions Studyrama, « Le Goût des autres – Mes recettes de manager », « Un DirCom n’est pas un démocrate », « La Com est un métier » et « Anthologie de la Com » aux éditions Bréal by Studyrama. Il a également publié « Le dico de la Com » chez Studyrama.
Directeur de la communication durant plus de 35 ans, dans le secteur public et dans de grands groupes internationaux, il a été nommé à 20 reprises dans des compétitions nationales et internationales pour ses travaux sur la communication (Top Com, Grands Prix Stratégies, European Excellence Awards…).
Frédéric Fougerat a également été classé par FORBES, personnalité la plus influente de la communication en 2021. Il est commandeur de l’ordre national du Mérite, chevalier du Mérite agricole et chevalier des Arts et des Lettres
Source Focus RH