Congo-Brazzaville : critique politique et académique sur la déclaration du Ministre Thierry Moungalla (Evrard NANGHO)

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La récente déclaration du Ministre Thierry Moungalla, porte-parole du Gouvernement Congolais, marque une rupture significative dans la continuité politique de l’administration du Président Denis Sassou Nguesso. Lors de sa quinzaine gouvernementale, Moungalla a ouvertement admis l’incapacité du Gouvernement à concrétiser les objectifs fixés par le Chef de l’État pour l’année 2024, ce qui soulève des questions sur l’efficacité et la cohérence des politiques publiques en République du Congo.

Le Président Denis Sassou Nguesso, dans son message de vœux à la nation, avait clairement énoncé la vision stratégique de faire de 2024 « l’Année de la Jeunesse », une initiative visant à répondre aux attentes des jeunes en matière d’éducation, de formation et d’emploi. Cette déclaration avait suscité un espoir tangible au sein de la population, notamment chez les jeunes, principaux bénéficiaires supposés de cette politique.

Cependant, la reconnaissance par le Gouvernement de son incapacité à respecter cette promesse met en lumière des lacunes institutionnelles profondes. D’un point de vue académique, cela pourrait être analysé comme un échec du modèle de gouvernance, où les ambitions politiques ne sont pas assorties des ressources et des capacités nécessaires à leur mise en œuvre. Le problème fondamental réside dans l’écart entre les promesses idéologiques et la réalité des moyens disponibles, un défaut récurrent dans les politiques publiques congolaises.

La promesse de créer 100 000 emplois, faite sans une évaluation préalable des capacités économiques du pays, relève d’une surenchère politique qui compromet la crédibilité du Gouvernement. Ce type de promesse, qualifiée de « château de sable » par le Ministre lui-même, révèle un amateurisme politique qui décrédibilise les institutions. Cette déclaration est symptomatique d’un manque de préparation et d’une absence de diagnostic partagé, pointant du doigt une gouvernance défaillante.

Il est essentiel de noter qu’aucun budget spécifique n’a été alloué pour la mise en œuvre de « l’Année de la Jeunesse », ce qui témoigne d’une inadéquation entre les ambitions proclamées et les réalités financières du pays. Cette situation pourrait être interprétée comme une illustration du « nœud gordien » qui entrave les politiques publiques au Congo : une volonté politique déclarée mais sans les moyens adéquats pour en assurer la concrétisation.

L’annonce par le Gouvernement que l’initiative pour la jeunesse sera prolongée jusqu’en 2026 peut être perçue comme une tentative désespérée de masquer un échec déjà acté. En prolongeant la temporalité de la mise en œuvre, le Gouvernement semble repousser l’échéance de son évaluation, tout en admettant implicitement son incapacité à atteindre les objectifs dans les délais initialement fixés.

Politiquement, cela soulève la question de la légitimité et de la compétence des membres du Gouvernement actuels. Certains Ministres, directement impliqués dans cette initiative, ont démontré leur incapacité à aligner leurs actions avec les directives présidentielles, justifiant ainsi une réévaluation de leur présence au sein de l’exécutif. À l’approche des festivités de l’indépendance et du discours présidentiel sur l’état de la nation, la nécessité d’un remaniement gouvernemental se fait de plus en plus pressante pour éviter une crise politique majeure.

En conclusion, cette situation critique met en exergue l’inadéquation entre les ambitions politiques et la réalité des moyens disponibles dans la gouvernance congolaise. L’échec de la mise en œuvre de « l’Année de la Jeunesse » n’est pas simplement un revers politique, mais un symptôme d’un dysfonctionnement systémique qui, s’il n’est pas corrigé, pourrait avoir des répercussions profondes sur la stabilité du pays. Les citations de Georges Wolinski et Václav Havel, mentionnées en fin de communiqué, résonnent avec une acuité particulière dans ce contexte, rappelant les dangers d’une scène politique dominée par l’aventurisme et l’irresponsabilité.

Tribune de Evrard NANGHO,

Président national du Modec

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